Essais

ALAIN FINKIELKRAUT (sous la direction de)
L'interminable écriture de l'Extermination


""Une civilisation qui oublie son passé est condamnée à le revivre." C'est forte de cette maxime, énoncée au début du XXème siècle par le philosophe américain George Santayana, que notre civilisation a instauré et institutionnalisé la mémoire de l'extermination des Juifs d'Europe. Mais voici que surgit, pour cette civilisation, un problème inattendu : non pas l'oubli du crime, mais l'oubli de tout le reste. Hitler hante notre actualité, et du passé désormais personne d'autre, ou presque, ne surnage. Aujourd'hui, le malfaiteur suprême est en passe de siéger seul sur le trône de la mémoire. Dans cette société de l'accusation perpétuelle et de l'expiation tapageuse qui arraisonne à tour de bras les fameuses heures-le-plus-sombre-de-notre-histoire, je me prends parfois à rêver d'une mémoire sans oriflamme ni destrier, d'une mémoire pédestre, modeste, discrète, silencieuse ou qui ne fasse pas d'autre bruit que celui des pages que l'on tourne dans le colloque singulier de la lecture. Comment parler de la Shoah sans tout mélanger ni sacrifier les exigences du jour ? Quelles leçons tirer de cet événement proprement incroyable ? Comment penser le mal, la radicalité du mal, la banalité du mal, l'industrialisation du mal, sans abandonner au mal tout l'espace de l'immortalité ? Les dialogues que voici sont nés de ces interrogations et de ce scrupule." Alain Finkielkraut

"Sont rassemblées dans ce livre les principales émissions animées par Alain Finkielkraut pour "Répliques" (France Culture) autour du nazisme et du génocide fait aux Juifs. 

L'interminable écriture de l'Extermination
sous la direction d'Alain Finkielkraut
Stock, octobre 2010
289 pages 


ALAIN FINKIELKRAUT
La mémoire vaine
Du crime contre l'humanité


"Contre l'oubli de ce qui fut, il est toujours possible de faire appel, et de réveiller la mémoire. Contre une mémoire qui, au lieu d'acquitter notre dette envers les morts, met le passé à la disposition des vivants, leur sert de supplément d'âme, flatte leur bonne conscience, conforte leurs certitudes idéologiques, entretient l'époque dans son mélange si caractéristique de cynisme et de sentimentalité, contre une telle mémoire, il n'y a plus aucun recours. Avec le procès de Klaus Barbie, la mémoire des survivants a bien retardé le moment où les victimes du nazisme, de réelles, deviendront historiques. Mais si c'était pour les livrer à l'actualité futile ou pour redonner vigueur et légitimité à une représentation de l'homme que récuse précisément la vertigineuse notion de crime contre l'humanité, alors à quoi bon ? La mémoire a certes triomphé de l'oubli, mais c'est une mémoire vaine." Alain Finkielkraut

La mémoire vaine
Du crime contre l'humanité 
Alain Finkielkraut
Gallimard, Essais, Paris, janvier 1989
125 pages 


VLADIMIR JANKÉLÉVITCH
L'imprescriptible
Pardonner ?
Dans l'honneur et la dignité 


""Le pardon est mort dans les camps de la mort." Qui a bien pu écrire une telle phrase ? Un philosophe, un juif, un Français, un moraliste ? Oui, mais surtout un survivant, un survivant mystérieusement sommé de protester sans relâche contre l'indifférence. Sous le titre : l'Imprescriptible, se trouvent en effet réunis deux textes : Pardonner ? et Dans l'honneur et la dignité, parus respectivement en 1971 et 1948, qui tentent de maintenir "jusqu'à la fin du monde" le deuil de ceux qui furent exterminés et de ceux qui sacrifièrent leur vie. Car Jankélévitch n'a jamais séparé la dénonciation du mal absolu que constitue le génocide juif de la vénération pour les résistants. Son amour fou envers toutes les victimes du nazisme et sa foi dans la solidarité des douleurs constituèrent sa consolation. Pourquoi souffler à nouveau aujourd'hui sur ces braises ? On pourrait facilement justifier cette parution en relevant dans l'actualité les signes multiples qui indiquent la défaillance de la mémoire et de l'histoire, mais ce serait trahir le caractère intempestif et métaphysique de ce qu'écrit ici Jankélévitch. Le philosophe de l'occasion n'a jamais cru bon d'attendre l'occasion d'exprimer sa colère et sa pitié. C'était toujours pour lui le moment de rappeler que la mémoire de l'horreur constitue une obligation morale. Car, après tout, les Allemands n'ont jamais demandé pardon. "J'ai beau tendre l'oreille, je n'ai jamais entendu ce seul mot : pardon !""

L'Imprescriptible 
Pardonner ? 
Dans l'honneur et la dignité
Vladimir Jankélévitch
Editions du Seuil, Paris, novembre 1986
104 pages  
ou Poche Seuil, "Points", juin 1996, 103 pages 


HANS JONAS
Le Concept de Dieu après Auschwitz
suivi d'un essai de Catherine Chalier


"Pour le juif, qui voit dans l'immanence le lieu de la création, de la justice et de la rédemption divine, Dieu est éminemment le seigneur de l'Histoire, et c'est là qu'"Auschwitz" met en question, y compris pour le croyant, tout le concept traditionnel de Dieu. A l'expérience juive de l'Histoire, Auschwitz ajoute en effet un inédit, dont ne sauraient venir à bout les vieilles catégories théologiques. Mais quand on ne veut pas se séparer du concept de Dieu - comme le philosophe lui-même en a le droit - on est obligé, pour ne pas l'abandonner, de le repenser à neuf et de chercher une réponse, neuve elle aussi, à la vieille question de Job. Dès lors, on devra certainement donner congé au "seigneur de l'Histoire". Donc : quel Dieu a pu laisser faire cela ? " Hans Jonas

Le Concept de Dieu après Auschwitz
Hans Jonas
suivi d'un essai de Catherine Chalier
Editions Payot, "Rivages Poche / Petite Bibliothèque", mars 1994
72 pages


WALTER LAQUEUR
Le terrifiant secret
La "solution finale" et l'information étouffée


"Hitler a tout fait pour garder le secret sur les camps d'extermination. Pourtant, dès 1942, les Alliés commençaient d'être avertis : le 10 août, de Genève, le secrétaire du Congrès juif mondial annonçait par télégramme au Foreign Office les mesures prises par Hitler pour résoudre une fois pour toutes la question juive en Europe. En octobre, un journal suisse s'en fait l'écho. En novembre, un jeune catholique polonais, qui avait visité le ghetto de Varsovie et le camp de la mort de Belzec, arrivait à Londres, envoyé par la Résistance. Et pourtant, en dépit de la déclaration - très réservée - du 17 décembre 1942 par laquelle les gouvernements alliés condamnaient le génocide, il fallut attendre 1943, 1944 et même la fin de la guerre pour que soit enfin connue, ou même crue, la vérité des camps. Comment cette vérité a-t-elle filtré jusque dans les couches assez larges de l'armée et de la population allemandes ? Comment a-t-elle été accueillie, refusée, volontairement ou involontairement minimisée ? C'est ce que Walter Laqueur, historien anglais fort connu pour ses études sur l'Allemagne de Weimar, sur le sionisme, sur le terrorisme, a cherché à analyser dans cette enquête fondée sur une quantité de dossiers inédits, en particulier ceux de la Croix-Rouge. On voit les enjeux de pareille question : le massacre aurait-il pu être réduit ? A quoi tient cette sous-estimation de la réalité ? Aveuglement, incrédulité devant la nouveauté et l'immensité de l'horreur, souvenir des propagandes mensongères de la guerre 14-18, tout se mêle dans cette volonté d'ignorance finalement meurtrière qui pose de tragiques dilemmes : savoir et garder le silence, savoir et ne pouvoir croire."

Le terrifiant secret
La "solution finale" et l'information étouffée
Walter Laqueur
Gallimard, coll. "Témoins", Paris, octobre 1981
288 pages


PRIMO LEVI
Le Devoir de Mémoire


"A la faveur d'une approche anthropologique des comportements en vigueur dans les camps nazis, Primo Levi reprend, en les élargissant, les thèmes déjà abordés dans l'essentiel de ses écrits. Il insiste notamment sur la différence entre l'oeuvre du témoin et celle de l'écrivain. L'auteur de Si c'est un homme nous offre une leçon exemplaire de mémoire et de lucidité."











Le Devoir de Mémoire
Primo Levi
Editions Mille et une nuits, janvier 1995
Inédit
95 pages 


PRIMO LEVI
Les naufragés et les rescapés
Quarante ans après Auschwitz


"C'est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau : c'est le noyau de ce que nous avons à dire."
"Primo Levi (1919-1987) n'examine pas son expérience des camps nazis comme un accident de l'histoire, mais comme un événement exemplaire qui permet de comprendre jusqu'où peut aller l'homme dans le rôle du bourreau ou dans celui de la victime. Quelles sont les structures d'un système autoritaire et quelles sont les techniques pour anéantir la personnalité d'un individu ? Quel rapport sera créé entre les oppresseurs et les opprimés ? Comment se crée et se construit un monstre ? Est-il possible de comprendre de l'intérieur la logique de la machine de l'extermination ? Est-il possible de se révolter contre elle ? Primo Levi ne se borne pas à décrire les aspects des camps qui restaient obscurs jusqu'aujourd'hui, mais dresse un bilan pour lutter contre l'accoutumance à la dégradation de l'humain."






Les naufragés et les rescapés
Quarante ans après Auschwitz
Primo Levi 
Arcades Gallimard, Paris, mars 1989
Ed. Originale, Giulio Einaudi, Torino, 1986
200 pages


EMMANUEL LEVINAS
Quelques réflexions sur la philosophie de l'hitlérisme
suivi d'un essai de Miguel Abensour


"Quelques réflexions sur la philosophie de l'hitlérisme ont paru dans la revue Esprit, en 1934, presque au lendemain de l'arrivée de Hitler au pouvoir, et un an après le Discours du rectorat de Heidegger. "L'article procède - écrit Levinas dans un post-scriptum de 1990 - d'une conviction que la source de la barbarie sanglante du national-socialisme n'est pas dans une quelconque anomalie contingente du raisonnement humain, ni dans quelque malentendu idéologique occidental. Il y a dans cet article la conviction que cette source tient à une possibilité essentielle du Mal élémental où bonne logique peut mener et contre laquelle la philosophie occidentale ne s'était pas assez assurée.""

Quelques réflexions sur la philosophie de l'hitlérisme
Emmanuel Levinas
suivi d'un essai de Miguel Abensour
Editions Payot, "Rivache Poche / Petite Bibliothèque", août 1997
107 pages


JULIE MAECK
Montrer la Shoah à la télévision
de 1960 à nos jours


"Il n'existe que très peu d'images et de témoins directs de ce que Raul Hilberg a appelé "la destruction des Juifs d'Europe". Dès lors, comment montrer et raconter cet événement ? En France comme en Allemagne, la télévision a pris à partir des années 1960 une place prépondérante dans la culture historique des Européens. Si de nombreuses études ont été publiées sur les représentations de la Shoah au cinéma, il n'existait pas, jusqu'ici, d'enquête similaire concernant le petit écran. L'autre originalité de cette recherche réside dans l'examen parallèle des productions françaises et allemandes, et de leurs réceptions de part et d'autre du Rhin. Se dessine ainsi, dans un premier temps, le règne de l'image d'archives remplacé, dans un deuxième temps, par la volonté de donner la parole aux témoins directs. Certains documentaires permettent au public une approche, fragile et subjective, de l'histoire des Juifs sous le nazisme. Au tournant des années 1980 et 1990, les films abandonnent finalement leur rôle précurseur, et l'historien investit le récit sans pour autant faire de celui-ci le réceptacle de découvertes historiographiques." 




Montrer la Shoah à la télévision
de 1960 à nos jours
Julie Maeck
Editions Nouveau Monde, "Histoire / Médias", janvier 2009
429 pages


SERGE MOATI - JEAN-CLAUDE RASPIENGEAS 
La haine antisémite


"De Paris à Varsovie, de Moscou à Chicago, j'ai retrouvé les mêmes mots fous, nés de sombres rêveries et de remugles d'arrière-cour. L'antisémitisme est universel; il est plus virulent que jamais. L'antisémite est un hypocondriaque. Il se dit malade des juifs, mais il en bouffe, mais il se "shoote" aux juifs, mais il s'en fait des intraveineuses. Le juif cimente son identité. Pour lui, sans juif, point de salut. Alors, après les avoir tués, il les réinvente pour le plaisir. Par haine. J'ai failli, au cours de ce voyage, être atteint, je le confesse, du même mal. Je voyais, moi aussi, l'antisémite partout, dans les cauchemars de la nuit, dans les songeries du jour. Derrière les propos anodins ou au-delà d'innocents sous-entendus. Je dérapais, je traquais, je faisais la police de l'inconscient des autres. Mais rien ne me semblera plus jamais "anodin". J'ai vécu la quotidienneté de la haine. La mienne et celle des autres." Serge Moati

La Haine antisémite 
Serge Moati - Jean-Claude Raspiengeas
Editions Flammarion, octobre 1991
247 pages


CHARLES RICHET - ANTONIN MANS
Pathologie de la déportation


"Exposer aux Déportés la Pathologie de la déportation est paradoxal. Comment pourraient-ils ignorer quelque chose des maladies qui en 20 mois tuaient 9 de leurs camarades sur 10. Et néanmoins, c'est pour eux que ce livre a été écrit. Qu'il soit d'abord une marque de piété envers ceux qui ne sont plus et qui sont morts pour que la France vive. Mais qu'il soit utile à ceux qui ont échappé. Maintenant encore, ils sont, certaines nuits, hallucinés par leurs souffrances d'il y a douze ans; l'angoisse de l'arrestation, l'arrestation elle-même, l'interrogatoire, les coups, les convoi à 120 par wagon, les sinistres appels sous la neige, la maladie qui chaque jour vous séparait définitivement de quelques camarades souvent les meilleurs : les héros et les saints."

Pathologie de la déportation
Charles Richet - Antonin Mans
Editions Plon, 2ème trimestre 1956
288 pages




PIERRE VIDAL-NAQUET
Les assassins de la mémoire
"Un Eichmann de papier" et autres essais sur le révisionnisme


"Face à un Eichmann réel, il fallait lutter par la force des armes et, au besoin, par les armes de la ruse. Face à un Eichmann de papier, il faut répondre par du papier. Nous sommes quelques-une à l'avoir fait et nous le ferons encore. Ce faisant, nous ne nous plaçons pas sur le terrain où se situe notre ennemi. Nous ne le "discutons pas", nous démontons les mécanismes de ses mensonges et de ses faux, ce qui peut être méthodologiquement utiles aux jeunes générations." Ces lignes qu'écrivait en 1981 l'historien Pierre Vidal-Naquet gardent toute leur actualité en 1987 : le regain d'activité, à l'occasion du procès de Klaus Barbie, de Robert Faurisson et de ceux qui nient avec lui la réalité du génocide hitlérien, et surtout l'accueil surprenant que certains médias ont alors réservé à leurs thèses délirantes, montrent qu'il est plus que jamais nécessaire de faire comprendre comment une telle aberration a pu voir le jour. Car ce qui est grave n'est pas tant qu'une secte s'acharne à vouloir remplacer l'histoire par le mythe en prétendant le contraire. C'est que le climat intellectuel qui tend à s'installer dans la France des années quatre-vingt puisse rendre admissible le remplacement par ces rassurants mensonges de "l'insupportable vérité" du génocide des Juifs et des Tsiganes. C'est pourquoi Pierre Vidal-Naquet a réuni dans ce petit livre une série d'essais publiés entre 1980 et 1985, qui démontent méticuleusement les mécanismes intellectuels pervers de l'entreprise révisionniste, du mensonge pur et simple à la manipulation des textes et à la fausse rigueur historiographique. Il les a accompagnés d'un long essai inédit, où il ne s'interroge pas seulement sur le comment du mensonge, mais aussi sur le pourquoi de sa naissance et de sa diffusion, en France comme à l'étranger."

Les assassins de la mémoire
Un Eichmann de papier" et autres essais sur le révisionnisme
Pierre Vidal Naquet
Editions de la Découverte, août 1987
232 pages 


ou Editions du Seuil, "Points", 1995